Notifications
Retirer tout

Réversibilité de Baudelaire

7 Posts
3 Utilisateurs
0 Likes
2,609 Vu
Laurence
(@flowki)
Eminent Member
Inscription: Il y a 6 ans
Posts: 27
Début du sujet  

Un poème qui m'a toujours touchée, de Charles Baudelaire que l'on dit avoir été bipolaire. Il s'appelle "Réversibilité" et je voulais le partager avec vous.

Ange plein de gaieté, connaissez-vous l'angoisse,
La honte, les remords, les sanglots, les ennuis,
Et les vagues terreurs de ces affreuses nuits
Qui compriment le coeur comme un papier qu'on froisse ?
Ange plein de gaieté, connaissez-vous l'angoisse ?

Ange plein de bonté, connaissez-vous la haine,
Les poings crispés dans l'ombre et les larmes de fiel,
Quand la Vengeance bat son infernal rappel,
Et de nos facultés se fait le capitaine ?
Ange plein de bonté, connaissez-vous la haine ?

Ange plein de santé, connaissez-vous les Fièvres,
Qui, le long des grands murs de l'hospice blafard,
Comme des exilés, s'en vont d'un pied traînard,
Cherchant le soleil rare et remuant les lèvres ?
Ange plein de santé, connaissez-vous les Fièvres ?

Ange plein de beauté, connaissez-vous les rides,
Et la peur de vieillir, et ce hideux tourment
De lire la secrète horreur du dévouement
Dans des yeux où longtemps burent nos yeux avides ?
Ange plein de beauté, connaissez-vous les rides ?

Ange plein de bonheur, de joie et de lumières,
David mourant aurait demandé la santé
Aux émanations de ton corps enchanté ;
Mais de toi je n'implore, ange, que tes prières,
Ange plein de bonheur, de joie et de lumières !


   
Citation
ver00
(@ver00)
Famed Member
Inscription: Il y a 6 ans
Posts: 3016
 

C'est beau ! Je fais aussi des petits poèmes, lol, mais rien à voir !


   
RépondreCitation
ver00
(@ver00)
Famed Member
Inscription: Il y a 6 ans
Posts: 3016
 

Allez je me jette à l'eau, c'est un peu déjanté, mais c'est moi !

 

L'heureux tour du cas précieux.

Annonce

 

Elle était repartie dans un monde fantastique,

Ou toutes ses réparties la tordaient de délire.

Elle retissait le fil de ses pensées diaboliques,

Sur l’ouvrage de sa vie qu’elle s’acharnait à lire.

 

Elle avait ses entrées dans les devinettes du temps ;

Un compteur de cœur au corps d’un contour audacieux.

Et pliant le contrat riant dans le sens du vent,

Un petit œil tirant légèrement malicieux.

 

Son rêve errant se repose au pied du lit des cieux ;

Alliage aberrant d’un être prétentieux.

Elle danse l’évidence de l’harmonie d’envie,

Troublante symphonie de paillettes infinies.


   
RépondreCitation
Laurence
(@flowki)
Eminent Member
Inscription: Il y a 6 ans
Posts: 27
Début du sujet  

Bravo pour ton poème, il est très bien construit.

Allez, j'en poste un aussi :

 

Cauchemar éveillé

 

Le ciel fond sur la pluie fine de sang

Et c'est toute l'horreur du monde qui se voit

Dans les yeux de Martha

Pourquoi serait-elle là se cachant

 

Alors que, dehors, la mer de bulles

S'ouvre et laisse passer les oiseaux bleus

Qui nagent gauchement entre les cieux

Entourés d'un océan de formules

 

Les cris plaintifs de cette femme

Ne produisent aucun son

Mais s'écoulent tels des larmes, et ronds

Sont ses yeux emplis de drames

 

Le meurtre cruel par-delà la tombe

Hantera Martha parmi la suie

De soie noire et meurtrie

Dans cette folie qui la plombe


   
RépondreCitation
ver00
(@ver00)
Famed Member
Inscription: Il y a 6 ans
Posts: 3016
 

Waouh, Laurence, j'aime beaucoup ! On est des artistes ! lol


   
RépondreCitation
Laurence
(@flowki)
Eminent Member
Inscription: Il y a 6 ans
Posts: 27
Début du sujet  

Merci beaucoup ver00 !! 😊 


   
RépondreCitation
Justgawarau
(@justgawarau)
New Member
Inscription: Il y a 5 ans
Posts: 1
 

C'est fou que tu parles de Baudelaire, ça me touche énormément. Avant d'être diagnostiquée bipolaire et d'être traitée convenablement, j'étais en souffrance extrême et dans une solitude effroyable. Je m'enfoncais dans une folie sans fond, faite de pleurs, de cris, de pensées suicidaires.

À ce moment là, je ne voyais plus personne du tout. Parfois je voyais ma mère oui, mais je ne lui adressait pas un seul mot, par honte de ce que j'étais devenue peut être (folle) mais aussi par peur de la blesser par les manifestations possibles des tourments que j'affrontais.

Et un jour, je me suis demandé si j'étais encore capable de parler. J'ai commencé par faire des "oh" et des "ah" dans ma chambre. Pour réentendre ma voix, mais aussi pour tester mes capacités cognitives que je voyais fondre comme neige au soleil, je pris un livre dans ma bibliothèque, "Les Fleurs du Mal" de Baudelaire. Ma concentration laissait à désirer, je ne comprenais pas ce que je lisais, mais j'ai décidé d'apprendre par cœur le poème dont le titre est "élévation". Je me félicite encore d'avoir choisi ce poème ce jour là, je le trouve très beau.

Tous les jours donc, à partir de ce moment là, je passais mes journées entières à l'apprendre. Il a fallu énormément de temps, plusieurs semaines au moins mais au moins je me concentrait sur autre chose que sur ma douleur. 

Ça m'a vraiment sauvée, je n'avais plus d'espoir, du tout. J'étais déjà passée de psychiatre en psychiatre, de traitements en traitements, sans aucun résultat. Jusqu'à ce que, à bout de souffle, finalement, je trouve LE psychiatre, celui que j'ai encore aujourd'hui, le seul qui m'a permise de trouver un peu plus de stabilité.

Je n'oublierai jamais ce poème tant il m'a touché et il a marqué une période sombre, obscure, atroce en m'amenant de façon tellement inattendue un petit rayon de soleil qui fait qu'aujourd'hui je vis au grand jour.

Élévation

Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par delà le soleil, par delà les ésthers,
Par delà les confins des sphères étoilées,

Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l'onde,
Tu sillonnes gayement l'immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.

Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;
Va te purifier dans l'air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.

Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins ;

Celui dont les pensers, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
- Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes !


   
RépondreCitation
Annonce
Annonce
Annonce