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Bonjour Tristesse ?

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juliette
(@juliette)
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Début du sujet  

Quand portera-t-on un regard positif sur les bipolaires ?

Je suis effarée de ne voir associés ici que tristesse, angoisse, dépression, drame familial, pire "manipulation" (j'en suis tombée de ma chaise) à la bipolarité.

Les bipolaires seraient dangereux pour eux-même, leur famille, leurs proches ? Il faudrait les aider ?

Je vais témoigner de ma propre expérience qui je pense est loin d'être unique.

Je vais commencer par me décrire : je suis Juliette, 38 ans, j'exerce la profession de cadre infirmier dans un service d'urgences.

Je commencerais par dire quant à ma personne que je suis intelligente, cultivée, dotée d'un solide sens de l'humour et éminemment sympathique. Oui je suis une fille sympa, tous mes amis vous le diront, toujours prête à rendre service, et comme le dit ma meilleure amie on m'apprécie aussi pour ma sensibilité qui me permet d'être empathique et de -presque- tout comprendre.

J'ai beaucoup et longtemps voyagé, principalement en Amérique du Sud et dans le Pacifique Sud parce que j'aime le soleil et découvrir d'autres cultures.

J'ai une chouette famille de névrosés sévères que j'aime et qui m'aiment.

J'ai réussi professionnellement, je suis apprécié de mon équipe et de ma hiérarchie (je fais bien grincer des dents mais bon on peut pas plaire à tout le monde).

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J'ai plein de gros défauts aussi, je sais, mais je les fais passer à grand coups d'humour et de gentillesse...

Ah oui et je suis bipolaire. De type 1. La poisse ? Non la chance. Oui je dis bien la chance. Je ne pense pas que sans ma maladie j'aurais développé autant de qualités humaines, de sensibilité au monde, d'acceptation de ce qui est différent.

J'ai été très maniaque, à rejouer La Folle de Chaillot. J'ai eu très très peur d'être folle et de rester "coincée" dans la psychose.

J'ai beaucoup inquiété ma famille et mes proches qui m'ont parfois hospitalisée sous contrainte.

J'ai beaucoup souffert au point lors de ma dernière hospitalisation de faire un syndrome de Cotard : j'avais ainsi la conviction d'être déjà morte et je demandais l'euthanasie aux psychiatres que j'appelais les "réanimateurs".

J'ai eu la tête littéralement en feu, avec milles idées/secondes.

J'ai eu le coeur et l'âme vide, perdue dans le rien.

Le pire étant de savoir que ça recommencera et de pas savoir quand.

Ma crainte c'est de nouveau d'inquiéter mes proches.

Mon cauchemar c'est de nouveau d'être assommée par les cocktails Abilify, Risperdal, Tercian, Valium...avec un soupçon de Loxapac aussi parfois. De me revoir les paupières tombantes et la diction hésitante.

Alors c'est sûr que c'est pas marrant marrant, sauf quand ça commence à monter. Qui va me dire qu'il n'aime pas ses phases d'hypomanies ? Moi j'aime bien me sentir comme Wonder Woman, je fais plein de trucs, j'écris, je me marre...

Bon la manie franche, c'est un peu moins drôle.

L'état mixte c'est l'horreur, l'impression de ne plus s'appartenir, passer du tout au rien en un claquement de doigts.

Puis après tout ça, il faut payer, payer pour son état maniaque ou hypomaniaque avec une belle dépression et là gaffe à la mélancolie délirante et à la crise suicidaire. J'ai tenté : les médicaments, la pendaison et dernièrement l'insuline.

Alors ? Pleurer sur son sort ? Non. On se relève.

Qui viendra me dire que je suis pas forte ? Moi qui chaque fois relève la tête, moi qui ai dix fois changé de traitement, qui ai pris 30 kilos avec ces conneries, qui me suis retrouvée lissée, amoindrie intellectuellement.

Tomber cent fois, se relever toujours.

Quand je repense à mes crises suicidaires, j'ai comme une incompréhension parce que je suis la joie de vivre incarnée.

J'ai changé de traitement parce que le précédent me lissait trop : impossible de lire ou d'écrire, de me concentrer, j'avais l'activité psychique d'un bulot. Aujourd'hui je suis sous Lithium "le" traitement de référence celui qui va me flinguer les reins dans 30 ans aussi sûrement que 1 et 1 font 2. Mais au moins je suis moi: joyeuse, marrante, sympa et j'écris et je lis et je cours à nouveau les expos.

Et je vais rechuter un jour.

En attendant option un : je m'apitoie sur mon sort, option deux: j'en tire ma force.

Alors c'est vrai que j'ai fait des choses pas jolies, jolies que j'ai fatigué mes amis, certains sont même partis (c'étaient pas les meilleurs), que j'ai fait pleurer ma mère (qui ne m'en veut pas du tout au contraire), que j'ai trop picolé, que j'ai trop ...tout. Oui il y a des choses que je regrette. J'y peux quelque chose ? Non.

En même temps, on se construit de nos expériences, bonnes ou mauvaises et sans fausse modestie je le clame tout haut : je suis fière de ce que je suis aujourd'hui. Et je le répète sans ma maladie je serais certainement très différente. Oui j'aime être atypique et même originale dans mes choix de vie, dans mes vêtements. On ne peut pas "désintriquer" ma personnalité de ma maladie. Je suis Juliette, 38 ans, gentiment barrée. J'aime ma folie douce.

Alors je me lisserai pas non. Plus de neuroleptiques "atypiques". Pas de calendriers de l'humeur ou d'éducation thérapeutique... je n'analyserai pas mon humeur au quotidien genre je vais bien, vais-je trop bien ? Ai-je des raisons d'aller bien ?

Et oui j'ai une conception bien particulière de "l'hygiène de vie", et non je me coucherai pas à 22H et je ferais du sport si et seulement si j'en ai envie et non j'arrêterai pas de boire du bon vin avec mon fromage bien gras. Si certains ont envie d'aller bien proprets jusqu'au cimetière grand bien leur fasse mais perso je passe mon tour.

En revanche je continuerai de ne m'entourer que de gens de qualité, des vrais de ceux qui vous regardent avec bienveillance, les autres peuvent aller se faire voir. Je continuerai de bien m'entourer médicalement avec mon psychiatre de ville, mon thérapeute et mon équipe hospitalière qui déchire (même si je les ai copieusement insulté la dernière fois -pardon-).

Alors non je ne suis pas dangereuse, je ne suis pas manipulatrice, je ne suis pas triste tout le temps, je ne martyrise pas mes proches, je ne suis pas imprévisible ni colérique, je ne fais pas tout exploser, je ne suis pas violente, je ne suis pas alcoolique...

Bref j'ai une grave maladie mais je le vis gravement bien.

J'espère lire d'autres témoignages positifs qui changeront le regard qu'ont les "normothymiques" sur les les bipolaires, qui aideront ceux qui ne sont pas au top à se dire qu'il est possible d'aller -très- bien, qui permettront aux nouveaux diagnostiqués de ne pas s'en faire une montagne...

Juliette,

Always look on the bright side of life (Monthy Python)

 

 

 


   
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Domilune
(@dominique)
Active Member
Inscription: Il y a 7 ans
Posts: 10
 

Bonjour Juliette,

Quel bonheur de vous lire et depuis plusieurs jours le désir de vous répondre se fait si grand que je n'y résiste pas.

Ces doubles interlignes me perturbent mais faisons fi de cela, votre témoignage me fait tant de bien.  C'est le 31 décembre que le psy qui m'a suivie à la clinique où j'ai été internée s'est étonné que personne avant lui n'ait évoqué ce désordre neuro-biologique. Il est vrai que tout prenait sens enfin, l'absence quasi de sommeil depuis 6 ans, une mélancolie agitée, l'intolérance au AD et le reste. 

Le xeroquel à 50 mg accompagné d'un xanax à O,50 mg a été miraculeux, j'avais envie de dormir enfin, bailler, me réveiller pour me rendormir aussitôt mais après trois semaines il a fallu augmenté et puis cette comorbodité qu'a été l'alcool très tardivement est revenue et si j'avais jusqu'alors conservé l'amour de mes enfants et des miens, là j'avoue que j'ai tout perdu et que l'idée d'en finir me semble froidement chose possible  pour ne plus avoir le coeur en charpie, cette impression insoutenable que vivre est un martyr et je suis lasse.

Alors vous remercier pour la joie, la beauté, ce déferlement de bonheur dont vous témoignez, l'une de mes filles pense que je ne suis que narcissique et sans empathie aucune alors que depuis toujours je sais que je n'ai pas de peau. C'est enfant que j'ai commencé a écouter de la musique classique, aimé la poésie et la peinture ce qui m'isolait des autres. J'admire votre capacité à cultiver de belles amitiés, je n'ai quant à moi nul ami, je ne sais pas car je n'en ai nulle aptitude pour cela. J'écris et fais de la photo quand je ne suis pas noyée dans l'alcool et le chagrin, je fais un boulot que j'adore et il me semble qu'il est définitivement perdu sans compter la dureté, l'incompréhension des collègues qui vous balancent en pleine figure : " mais qu'est ce que tu es émotive" sic.

A l'heure d'aujourd'hui je ne sais où je vais, me méfie tout de même d'une alcoolisation trop profonde qui justifierait une HDT mais bon tout compte fait savoir que je suis bipolaire m'enfonce chaque jour un peu plus, je me débrouillais plutôt bien quand j'ignorais mon état.

Merci Juliette, votre témoignage est joli, clair comme une aube, il est plein d'espérance aussi, merci.

 


   
juliette reacted
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