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Un bipote de plus

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DrDestroy
(@drdestroy)
Eminent Member
Inscription: Il y a 4 ans
Posts: 22
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Salut,

Ça fait un moment que je viens consulter le forum en « sous-marin ». Je m’étais inscrit assez récemment avec l’envie de communiquer, puis comme souvent, j’ai laissé tomber.

Il semble aujourd’hui que je sois un peu mieux luné 😊 

J’ai eu 48 ans cette année, je vis à deux pas de Montpellier, diagnostiqué bipolaire type 2 il y a 4 ans. J’ai alterné de nombreux épisodes maniaques, souvent long et euphorisant, suivis de courts épisodes profondément mélancoliques. Mais avec le temps et sans traitement, car j’ignorais être malade, les cycles se sont accélérés et leur intensité s’est aggravé. C’est ma dernière phase maniaque qui a dévoilé le pot aux roses.

J’étais capable de bosser 7 jours sur 7, en ne dormant que 3 ou 4 heures, de mener plusieurs projets professionnels simultanément, j’avais la sensation d’être hors du commun, d’être un surhomme, un rocher, que rien ne peut arrêter. Je faisais 2 heures de sport intensif chaque jour, et toutes les nuits j’étais en virée. Complètement désinhibé, capable d’aborder n’importe qui avec une tchatche phénoménale. A l'époque j'avais plusieurs dizaines d'amis, plus de copines que de copains d'ailleurs. Une bonne soirée était synonyme de cuite et de sexe. J’ai flambé des sommes folles. J’ai toujours aimé les voitures de sport et la vitesse. J’ai acheté un jour une Porsche sur un coup de tête. Puis un coupé Jaguar de 380 chevaux. Quelques mois plus tard, une version plus puissante est sortie, il a fallu que je me l’offre. Avec de l’argent que je n’avais pas. J’ai d’ailleurs fini par avoir de gros soucis financiers…et même avoir les huissiers aux fesses. D’un optimisme infini, j’oubliais bien vite ces « petits tracas ».

J’ai tenu 5 ans à ce rythme. Jusqu’au jour où je suis tombé inanimé, à bout de force, au bureau. Et comme d’habitude, je n’ai pas voulu écouter ni les conseils de l’infirmière du boulot, ni celle de mon boss, qui est aussi un ami, d’aller consulter un toubib.

C’est à la 2eme syncope au volant de ma voiture (qui s’est terminée par miracle par de la tôle froissée uniquement) que mon boss ne m'a pas laissé le choix et a décidé de me prendre un rdv chez son médecin. Le rdv a duré plus de 2 heures.

Ce généraliste m’a demandé de lui raconter les 20 dernières années de ma vie. Et il s’est passé quelque chose, je ne saurais expliquer, une prise de conscience que j’avais gravement déconné sans pour autant comprendre pourquoi. Ce médecin, pendant que je lui débitais ma vie, avait dessiné une courbe. Avec des hauts et des bas. Il me l’a présenté et m’a parlé de bipolarité.

Suite à ce rendez-vous, je suis passé par le centre expert bipolarité à Montpellier (Hôpital Lapeyronie) qui a confirmé les présomptions du généraliste. J’étais dans un sale état, complètement perdu, estomaqué par le diag, et j’ai été immédiatement admis aux urgences psychiatriques.

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Un choc terrible. Moi ? Le battant ? L’indestructible ? A l’hosto ??? Et par-dessus ça chez les fous ??? Même encore aujourd’hui j’ai du mal à admettre que je suis malade. Et pourtant ça fait déjà 3 ans que le diagnostique est posé et qu’une introspection personnelle m’a fait prendre conscience qu’il y a bien quelque chose qui cloche chez moi.

La suite a été compliqué.  Après 5 ans d’euphorie, l’enfer de la dépression. Le sentiment d’être une merde, le regard des amis et de la famille, des collègues. La sensation d’avoir conscience de sa déchéance, de savoir ce qu’il faut faire pour s’en sortir…Et pourtant rester passif et s’observer, désincarné, tomber toujours plus bas.

Le psychiatre qui m’annonce que le diagnostique a trop tardé, que la maladie est irrémédiablement installée, que je vais devoir apprendre à me surveiller et anticiper les crises… Décourageant.

La maladie a ruiné ma vie. J’ai perdu mon job et j’ai été placé en invalidité type 2, ce que je perçois comme une déchéance sociale, dans un épisode maniaque j’ai épousé mon ex-femme qui a vécu un enfer à mes côtés, et dans un épisode mélancolique je l’ai foutu dehors, je suis passé de sportif à obèse (de 70 à 115Kg…) avec toutes les complications que ça implique. Je n’ai plus de vie sociale et quasiment plus d’ami.

Il y a 6 mois, j’ai voulu retrouver « ma vie » d’avant, j’ai jeté les médocs. Ça n’a pas raté, j’ai fait une crise maniaque. J’ai claqué plusieurs milliers d’€ dans un projet de création d’entreprise qui évidemment n’a pas vu le jour, j’ai dépensé sans compter, j’avais une pêche d’enfer, je me suis mis à sortir à nouveau, ne plus dormir, à être dans l’excès… Au bout de 6 mois, chute brutale, incapable de sortir de chez moi, boulimie…Etc. J’ai fini par trouver le courage de prendre rdv avec mon psychiatre qui entre temps avait tenté de me joindre inquiet de ne plus me voir à nos entretiens mensuels… J’avais changé de numéro de téléphone pour éviter justement d’être pris en flagrant délit de grosse connerie…. Avec le recul, je m’aperçois que c’est débile 🤪 .

Bref, depuis ma « chute » il y a 4 ans, je ne parviens pas à retrouver une vie qui me satisfasse. Il y a des choses sur lesquelles je pourrais reprendre le contrôle, comme mon poids, mais je ne parviens pas à m’y atteler. Et pourtant, je ne me supporte plus, je hais ce corps difforme dans le miroir, j’ai la sensation de voir un inconnu. J’en ai tellement honte que je préfère rester cloîtrer chez moi. Le fait est que toutes mes bêtises m’ont mis dans une situation financière très précaire, limitant le budget que je peux dédier aux sorties. 

Le pire, c’est sans doute la solitude totale. Je pensais faire bien en m’installant à la cambrousse, au calme. Le chant des oiseaux et le bruissement du vent dans les feuilles, c’est super. Mais parler aux abeilles…ça va bien 2 minutes 😋 . La maladie a fait le grand ménage socialement. Certains diront que ceux qui m’ont abandonné n’étaient pas de vrais amis. A leur décharge, j’ai pu parfois être très blessant et insultant au gré des mes humeurs. Il m’en reste 2. Deux qui ont encore le courage d’affronter mes excentricités.

Je me suis relu, je me rends compte que le portrait que je dresse n’est pas reluisant ni super positif. Mais c’est ainsi. En ce qui me concerne, le lithium a été bénéfique pour lisser mes épisodes maniaques, mais me donne le sentiment d’avoir perdu quelque chose de profondément « moi ». Ma personnalité semble avoir été lissé elle aussi.  L’impression que la vie est fade et emmerdante.

Par bonheur, j’ai la chance d’avoir un fils qui fête bientôt ses 7 ans. En garde alternée. Un petit garçon pétillant grâce auquel une semaine sur deux je sors de ma torpeur. Il commence à comprendre que « papa » n’est pas tout à fait comme le papa de ses copains. Il me pose de plus en plus de questions, et jusqu’ici j’ai éludé. Il faudra bien que je lui explique un jour, sans l’inquiéter inutilement. Je suis  très intéressé par vos "expériences" en la matière.

 


   
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Fantomette
(@fantomette)
Noble Member
Inscription: Il y a 4 ans
Posts: 2103
 

Salut Dr D,

Pas évident, bon je n ai pour l instant pas de conseils à te donner, mais j ai tout lu ton histoire 😐 , peut-être, ceci dit, créer une association où tu te sentirais investi (sans avoir d argent à investir, mais juste du temps et du coeur à l ouvrage), un truc en rapport avec le monde des gamins, qui pourrait leur apporter du rêve, ainsi qu à leurs papas, une idée comme çà ! 

Sinon, peu importe ton profil de papa, ce qui compte notamment pour un enfant,       c 'est d être aimé, de se savoir aimé, et de toujours se sentir en sécurité avec son papa, pour ça même si tu trouves la vie un peu plate (pour l instant), mieux vaut que tu n'es plus de phase "maniaque". 

As-tu vu le film "Captain Fantastic" ?

Belle journée à toi.

Signé Fantômette 🤣 


   
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DrDestroy
(@drdestroy)
Eminent Member
Inscription: Il y a 4 ans
Posts: 22
Début du sujet  

Hello Fantômette,

Ah ça pour l'aimer, je l'aime mon grand garçon 🙂

Je suis du genre papa "poule" (ou coq ?) et je me fais régulièrement admonester pour çà. Si en balade je ne le vois plus pendant 2 minutes, c'est la panique assurée...

J'ai effectivement pensé à une activité associative. Pas jusqu'à créer une association de toute pièce car je suis bien trop "instable" pour que ça soit pérenne ou même que ça aille au bout du projet. Si je pouvais sortir de chez moi, voir du monde et qu'en plus ca soit bénéfique pour d'autres...le top.  Mais comme souvent entre l'envie et l'action, je suis d'une désespérante  passivité. 

Je n'ai pas vu Captain Fantastic, alors du coup je suis allé voir la bande annonce sur Allociné. Je ne connaissais pas, belle découverte, ca m'a donné envie de le voir 👍 

 

 


   
Fantomette reacted
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ver00
(@ver00)
Famed Member
Inscription: Il y a 6 ans
Posts: 3016
 

DrDestroy bonjour,

 

Vous êtes médecin ? Je suis infirmière libérale . J'ai fait 8 ans de dénis, avec de nombreuses manies, j'ai réussi à garder un job, après en avoir perdu plus d'un ... Mais j'ai pris 40 kgs et je n'ai pas la volonté de mieux manger ...Ça me rend triste . Je bois un peu à l'occasion ... Faut que j'arrête tout ça ! Sinon, j'ai positivé ma bipolarité, je la vois comme une transformation spirituelle, qui dans mon cas, a été bénéfique . Il y a après l'acceptation de la maladie, une adaptation à négocier . Perso, je me dis que je devais passer par là, pour mieux comprendre le monde, j'étais dans une bulle que mon éducation restrictive m'avait construite . La bulle est percée . Je peux enfin trouver mon être profond, l'enfant que j'étais et l'adulte que j'aurais du être .

Bien à vous, vous allez rebondir et trouver votre voie .


   
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DrDestroy
(@drdestroy)
Eminent Member
Inscription: Il y a 4 ans
Posts: 22
Début du sujet  

Bonjour,

Non je ne suis pas médecin , ca ne m'aurait pas déplu mais la vue d'une seringue me fait tourner de l’œil 😀 

J'étais en panne d'inspiration, j'utilisais ce pseudo quand j'étais gamin dans le petit monde des bidouilleurs informaticiens. C'est loiiiiin, les années 80 !

La prise de poids semble être un problème rencontré par beaucoup de bipolaire, le lithium a de plus tendance à rendre la thyroïde fainéante d'après mon psychiatre. Le problème c'est que le surpoids entraîne d'autres joyeusetés comme l'hypertension, le diabète, les migraines... 

En tout cas c'est "rafraîchissant" de lire que d'autres ont fini par trouver un équilibre et une vie intéressante.  J'ai simplement le sentiment que ça ne va pas assez vite dans mon cas. Plus de 3 ans que j'ai l'impression de végéter.

Ce message a été modifié Il y a 4 ans parDrDestroy

   
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Ninouche
(@ninouche)
Eminent Member
Inscription: Il y a 5 ans
Posts: 44
 

Bonjour              Ton témoignage est émouvant et me ramène pas mal à mon histoire à la différence que j'ai eu plus de phase dépressive que maniac.   J'ai fait 8 tentatives de suicide dont la dernière qui a failli m'être fatale je me suis défenestrée pronostic vital engagé coma amputation mais je suis ençore en vie je prends mes médicaments je ne bois plus j'ai perdu mon mari mes amis je n'en ai quasiment plus mais j'ai 2 petites filles c'est aussi pour elles que je revis alors parfois la vie est fade mais elle est reposante et je serai plus plus forte que cette merde


   
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ver00
(@ver00)
Famed Member
Inscription: Il y a 6 ans
Posts: 3016
 

Bonjour Ninouche,

Oui, tu dois te battre pour tes puces, ça c'est important . Super que tu ne bois plus, moi, j'essaie, j'y arrive parfois mais souvent je m'en tiens à 2 verres par jour ... Pas facile . Tout est combat, mais faut pas flancher, faut tenir ! Bisous .


   
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DrDestroy
(@drdestroy)
Eminent Member
Inscription: Il y a 4 ans
Posts: 22
Début du sujet  

Ouch... Tu as bien morflé Ninouche, c'est sidérant et triste de constater les conséquences variées et parfois sinistres de cette maladie qui amènent directement ou indirectement à des comportements destructeurs.

Je serais très mal placé pour donner le moindre conseil, mais les enfants sont une très bonne raison de s'accrocher. Ce n'est pas une fin en soi, un jour ils seront adultes et vivront leur vie. Cependant quand j'ai vraiment le moral en berne, je pense à mon fils,  à l'amour inconditionnel qu'il m'offre. Un enfant un besoin de sa maman et de son papa, et même quand parfois l'envie de "déclarer forfait" me traverse, je pense à lui et à la souffrance qu'il endurerait si je renonçais à me battre.

Une nuit, il y a quelques mois, j'ai pris une claque terrible. Sans raison apparente, mon fils s'est mis à pleurer dans son lit, en pleine nuit. Pensant qu'il avait fait un cauchemar, je suis allé le rassurer. Et il m'a dit "papa, tu ne vas pas mourir hein ?". Les enfants sont des éponges émotionnelles, à cette époque j'étais très mal, il l'a senti. J'ai été bouleversé et même de l'écrire maintenant, plusieurs mois après, j'en ai les larmes aux yeux.

Je fais le maximum pour avoir le comportement "attendu" d'un adulte lorsque j'ai la garde de mon fils. C'est le seul moment où je m'oblige à m'habiller correctement, à sortir, à cuisiner des produits frais plutôt que d'absorber de la bouffe industrielle, à aller au ciné...etc. Ça m'en coûte, je fatigue très rapidement dans la foule et le bruit. Lorsque ma semaine de garde alternée se termine, je suis sur les rotules.

 


   
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