« Tu peux m’apporter le dossier de Madame Chabrais s’il te plait ? Merci ! » 

La porte se referme. 

Le dossier est loin d’être prêt. Pourtant, il y a deux semaines, alors que vous vous sentiez tellement efficace, vous avez fait la promesse à Caro du market’ de lui apporter ce dossier aujourd’hui. 

Mission qui vous semble maintenant impossible tant vous êtes fatigué, lent et déprimé. Vous vous sentez comme un imposteur. 

Voilà l’une des nombreuses situations que peut vivre une personne bipolaire au travail. 

Le stress et les défis imprévisibles sur le lieu de travail peuvent faire des ravages. Gérer la bipolarité au travail avec les hauts de la manie et les bas de la dépression n'est pas une mince affaire.

Dans une enquête menée par la Depression and Bipolar Support Alliance, près de neuf personnes sur dix atteintes de trouble bipolaire ont déclaré que la maladie avait affecté leur performance au travail. 

Plus de la moitié ont déclaré qu'ils pensaient devoir changer d'emploi ou de carrière plus souvent que les autres. 

Et beaucoup ont estimé qu'on leur avait confié moins de responsabilités ou qu'on leur avait laissé filer des promotions entre les doigts.

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Trois données à prendre en compte. 

Heureusement, trouver l’équilibre à son travail en tant que bipolaire est tout à fait possible. 

C’est le but de cet article. Voici quelques conseils à appliquer dans votre vie professionnelle pour atteindre une stabilité satisfaisante. 

Mais avant, voici pourquoi bilorité et travail sont deux concepts pas forcement compatible. 

Pourquoi il est très difficile de travailler avec un trouble bipolaire

Non, le bipolaire n’est pas un feignant, non ce n’est pas son souhait de ne pas travailler ! 

D’ailleurs, généralement, quand il peut travailler, il travaille (trop même) ! En dehors des phases dépressives sévères la plupart du temps. Anecdotiquement, les études semblent poser moins de problèmes. Peut-être est-ce dû au laxisme des absences possibles…

Travailler pendant plus d’un mois peut relever de l’exploit, suivant notamment la réaction du cerveau à son nouvel environnement professionnel. Un travail qui n’est pas plaisant, cela pourrait déclencher une crise sur le long terme.
Le bipolaire souffre parfois de symptômes antisociaux : le bruit, le travail en équipe, l’impact de l’image de soi, etc etc. Difficile de travailler dans ces conditions-là ! La motivation manque, le réveil est compliqué jour après jour…
En plein travail, la peur au ventre, la panique peut très vite s’installer pour x raisons. Après toute crise de panique, devant les collègues, la honte s’empare alors du mental du bipolaire, vulnérable, encore plus fragilisé qu’en temps normal… Comment retourner au travail après de telles situations (effrayantes) ? Après l’abandon de l’emploi ou la rupture du contrat par la société, il faut de nouveau en retrouver un nouveau job, jusqu’à la prochaine crise, c’est un cercle vicieux…

Quand on est une personne sans trouble mental, on peut ne pas comprendre cette réaction de tout quitter pour des choses qu’on ne vit pas…

Gérer un trouble bipolaire est déjà un emploi à plein temps, 24h/24 7j/7, seul. Les symptômes ne sont pas présents pendant seulement 7H et vous les donnez ensuite à quelqu’un d’autre (ce serait trop beau) ! Il ne faut pas oublier que cette maladie peut avoir des conséquences mortelles si elle est mal gérée (suicide)… C’est épuisant. Faire le deuil de sa carrière professionnelle est très dur à vivre, c’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle beaucoup de patients ne demandent pas tout de suite une pension d’invalidité. Cette dernière fait peur, elle annonce la fin d’une vie normale et rappelle encore plus cette maladie mentale…

Avant de juger une personne qui est bipolaire et sans emploi, il faut plutôt essayer de comprendre sa maladie et son rythme de vie autour de cette dernière… Il existe bien évidemment des centaines de raisons propres à chacun, mais en voici une dizaine qui reviennent souvent…

10 raisons qui font que travail et bipolarité ont du mal à s'associer

1. Un manque de stabilité dans le temps

Suivant le type de bipolarité, les durées des cycles notamment, maintenir une stabilité et rester dans la constance, rester toujours pareil et opérationnel est très compliqué. 

Les patients ayant une période euthymique (stable) durant plusieurs mois ne sont pas si nombreux que cela. Pour vous donner un petit aperçu, on parle de trouble bipolaire à cycles lents pour ceux qui ont des périodes d’humeur normales pendant 3 mois seulement… Autant vous dire que les bipolaires à cycles rapides n’ont pas beaucoup de « repos »… 

Alors, comment garder un emploi quand on est en dépression majeure ou que l’on traverse une crise maniaque ?

2. Un manque d'espace familier et de personnes de confiance

L’anxiété est un trouble quasi-permanent chez le bipolaire, c’est pourquoi il est important de réduire au maximum les facteurs stressants comme celui de l’inconnu. 

Pour pouvoir gérer son anxiété et/ou réagir face à une crise d’angoisse, la personne a besoin de se sentir « comme chez elle » et se sentir entourée de gens qu’elle connaît, des personnes de confiance. Être en sécurité mentalement et physiquement est primordial pour elle.

3. Une maladie imprévisible

La bipolarité est une maladie invisible à première vue, mais elle est aussi imprévisible pour la personne qui en souffre et son entourage. Comment peut-elle prévoir d’aller travailler quand elle ne sait pas de quel symptôme elle va souffrir le lendemain ? 

Les hauts et les bas sont le lot quotidien du bipolaire, des jours où il sera super bien, des jours moyennement et des jours qui seront catastrophiques…

4. Une peur des effets secondaires

Si une personne est diagnostiquée bipolaire, un traitement médicamenteux l'accompagne la plupart du temps. Une contrainte de plus à gérer, surtout celle des effets secondaires indésirables.

La fatigue et les tremblements sont les plus fréquents, mais il y en a d’autres, et souvent bien plus difficiles à masquer au travail. Une personne bipolaire a vraiment besoin de plus de repos qu’une personne en bonne santé, alors si elle ne peut pas faire une petite sieste en cours de journée, comment faire pour être polyvalente tout au long de la journée à son poste ? Prendre encore plus de médicaments ? Non, ce n’est absolument pas une bonne solution sur le long terme. 

D’ailleurs, suivant le traitement prescrit par le psychiatre, le patient peut être dans l’interdiction de conduire, ce qui est déjà très restrictif pour trouver un travail dans certaines villes.

5. Attaques de panique imprévisibles

Environ 30% des personnes bipolaires qui seraient aussi touchées par le trouble panique. Ce trouble connexe à la bipolarité, bien plus fort qu’un simple symptôme, peut bloquer littéralement une personne chez elle, aussi intense qu’une phobie sociale.

Se dire qu’il faut aller à la rencontre du monde (du public) peut sembler être une horreur ! En général, cela ne dure que quelques heures, mais est-ce qu’un patron accepterait des retards courants pour ce type de motif ? Si oui, pas très longtemps. 

6. Une fiabilité émoussée

Le trouble bipolaire est composé essentiellement de troubles du comportement et de troubles de l’humeur. 

Comment peut-on faire confiance à 100% à une personne qui souffre de troubles tels que la concentration, la mémoire, le jugement, etc ? Et vice-versa, comment une personne bipolaire peut affirmer qu’elle est de confiance alors qu’elle connaît (normalement) ses symptômes ? 

En synergologie, c’est ce qu’on appelle un mensonge de sur-valorisation. Ce n’est pas grave, car tout le monde le fait (au moins à l’entretien d’embauche). Mais quand c’est régulier, est-ce honnête envers sa hiérarchie ? Non, ça peut même être dangereux pour les 2 parties : employeur et salarié (accident, perte de client important...).

7. Un rythme professionnel compliqué

Quand on est au travail, un rythme est donné par ses supérieurs et cette cadence est à respecter, malade ou pas ! C’est là un gros facteur de stress pour le bipolaire, car en phase maniaque, il lui est facile de manager plusieurs personnes ou effectuer plusieurs actions en même temps. Mais cela ne dure pas éternellement, et a un impact néfaste sur sa santé. Les semaines qui suivent sont alors désastreuses, car il lui faut un temps égal de récupération, chose impossible avec un patron.

8. Une pause-déjeuner source de stress

C’est un peu différent des troubles alimentaires et cela se rapproche même de l’angoisse. 

La personne bipolaire a ses habitudes et ce n’est pas bon de les changer, cause de frustration. Alors, si pendant la pause déjeuner elle n’est pas avec une personne qu’elle apprécie, elle pourra avoir l’appétit coupé ! 

Stress, panique, difficile à expliquer, mais le bipolaire risque de ne pas manger normalement en présence de facteurs d’alerte (l’image de soi peut-être ?).

9. Un agenda de santé à respecter

Les rendez-vous avec le psychiatre sont très importants pour maintenir la bonne santé mentale du patient et ainsi prévenir d’une rechute. Certes, les heures de consultation peuvent être en dehors des horaires de travail, mais on rajoute alors une activité supplémentaire et donc de la fatigue, du stress.

Beaucoup le font, mais un jour ou l’autre, bien souvent, ils craquent : burn-out dû au rythme de vie qui est en général sans repos suffisant.

10. Des hospitalisations possibles

Certaines personnes souffrant de troubles bipolaires sont hospitalisées 2 à 3 fois par an ! Burn-out, fureur maniaque, crise suicidaire ou autres problèmes divers (boulimie, addiction...). C’est malheureux de le dire, mais ces hospitalisations sont nécessaires, elles sont même vitales. Les durées varient suivant les causes, de 1 semaine à plusieurs mois… L’employeur risque de très mal comprendre ces hospitalisations.

bipolarité et travail

Bipolarité et travail : 7 choses à appliquer pour gérer votre vie professionnelle

Après avoir vu pourquoi bipolarité et travail ne font pas forcément bon ménage, voyons cela d'un point de vue plus optimiste. 

Car évidemment, de nombreuses personnes atteintes d'un trouble bipolaire mène une vie tout à fait normale, et travaille comme tout le monde. 

1. Mettez en place des structures solides dans votre travail

Même pour les personnes qui aiment leur travail et s’entendent à merveille avec leurs collègues, le travail reste une source de stress. 

Hors on sait que le stress est un facteur déclencheur des épisodes maniaques. 

Voici donc quelques astuces pour gérer votre stress au travail :

  • faites des pauses souvent et régulièrement, même si vous n'êtes pas sûr d'en avoir besoin
  • utiliser des techniques de relaxation telles que le mindfulness 
  • écouter de la musique relaxante
  • faire une promenade autour du pâté de maisons au déjeuner

2. Choisissez un travail aux horaires lissées…

Je ne le répèterais jamais assez, mais le sommeil est vraiment la clé de voute dans la gestion de votre trouble bipolaire.

C’est le principal prodrome à surveiller, car le plus révélateur de l’arrivée d’une nouvelle crise. 

Evitez absolument les boulots en 3/8, ou des postes de travail de nuit. Préférez des horaires très classiques vous permettant de dormir correctement. 

3. Mais flexibles !

Certains bipolaires s'adaptent en organisant leur emploi du temps de manière à éviter les facteurs de stress qu’ils connaissent. Par exemple, certaines personnes bipolaires accumulent des heures de congé de maladie pour pouvoir prendre des congés et se reposer avant que le stress ne déclenche un épisode.

D’autres solutions sont possibles, comme bénéficier d'horaires flexibles qui vous permet de choisir des heures de travail moins stressantes (comme travailler plus tôt le matin avant que tout le monde n'arrive) ou de travailler à domicile pendant tout ou partie de la semaine.

Si votre trouble bipolaire est bien contrôlé et que vous êtes capable de gérer ou d'éviter les symptômes de manie, vous n'aurez peut-être jamais besoin d'informer un superviseur de votre maladie.

Mais si vous voulez que votre patron s'adapte aux changements d'horaire ou à d'autres ajustements afin que vous puissiez être plus productif, vous devrez en parler.

À vous de voir !

4. Restez sobre à l’happy hours

De l'happy hour avec vos collègues de bureau jusqu’aux déjeuners d'affaires en passant par les fêtes de fin d'année, l'alcool semble parfois être un élément essentiel de la dynamique typique du lieu de travail. 

Mais comme vous le savez, les substances addictives ne sont pas recommandées pour nous, bipolaire. Elles agissent encore une fois comme des déclencheurs de phases.

Optez donc pour un virgin Mojito, un jus ou un coca. 

5. Connaissez vos prodromes 

Par ce que la gestion du trouble bipolaire au quotidien est à la fois une stratégie de réussite dans la vie de tous les jours, mais aussi dans votre vie professionnelle, vous vous devez de connaitre vos prodromes. 

Ces petits signes annonciateurs d’une nouvelle crise sont d’une importance capitale. Plus vous les décelez rapidement, plus vous pourrez prendre des mesures en conséquence. Et donc rester branché dans la vraie vie. 

6. Soyez organisé dans votre travail

De nombreuses personnes, pas seulement celles qui souffrent de trouble bipolaire, utilisent divergent méthodes pour rester organiser dans leurs tâches professionnelles.

En étant rigoureux, vous éviterez une tonne de problèmes et donc d’être stressé. Voici quelques astuces : 

  • Faites des listes de tâches quotidiennes et cochez les éléments au fur et à mesure
  • Utilisez des agendas électroniques
  • Divisez les projets en tâches plus petites. Si possible, concentrez-vous sur une tâche à la fois.
  • Utilisez une montre avec une alarme pour vous rappeler des tâches spécifiques.

7. Ayez conscience de vos droits

En tant que bipolaire, vous avez la possibilité d’être reconnu travailleur handicapé par la MDPH. Vous avez le droit d’informer votre employeur de votre statut, qui aura, lui, l’obligation d’essayer de trouver des aménagements possibles. 

Les aménagements peuvent inclure les éléments suivants :

  • Des horaires flexibles, ainsi que des indemnités de congés pour les visites chez le médecin et les séances de thérapie.
  • Un calendrier de travail qui ne perturbe pas vos habitudes de sommeil, en évitant le travail de nuit ou les changements répétés des horaires de travail.
  • Des ajustements de planification pour réduire les interruptions.
  • Des pauses plus longues ou plus fréquentes.
  • Un bureau à part pour réduire les distractions.
  • Un allégement des exigences du poste qui doivent être clairement documentées.
  • Un calendrier ou agenda électronique avec des objectifs clairement identifiés, des échéances et jalons.
  • Une formation (ou information) sur le trouble bipolaire pour les collègues et les supérieurs.
  • Des réunions régulières avec la médecine du travail et l'employeur pour évaluer les besoins et la performance et pour développer de stratégies afin de résoudre les problèmes qui se posent.
  • Mettre en place une procédure pour évaluer l'efficacité de chaque aménagement et apporter les ajustements nécessaires pour améliorer l'environnement de travail global et répondre à tous les changements qui peuvent survenir.
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