C’est avec joie que nous avons voulu vous proposer un regard original et nouveau sur la psychiatrie . Sur LeBipolaire, beaucoup de témoignages de patients, mais encore aucun de professionnel de santé, c’est désormais chose faite ! Alexandre est un infirmier avec une longue expérience dans le milieu de la santé et de la psychiatrie, découvrez son parcours et sa propre vision des individus étant pris en charge dans ce secteur et de leur environnement .

 

Infirmier et passionné par la santé mentale !

Bonjour à tous, je m’appelle Alexandre, j’ai 30 ans et je suis infirmier depuis 9 ans.
Totalement passionné par mon métier, j’ai décidé de créer un blog personnel sur mon métier d’infirmier pour pouvoir m’exprimer librement sur la santé :

SantADom : Blog santé d’un infirmier

Mon parcours de soignant est assez simple, j’ai débuté ma carrière en psychiatrie et en addictologie au sein d’une association. J’ai exercé durant 7 ans dans cette spécialité. Depuis deux ans, je me suis tourné vers différentes expériences pour avoir une vision plus globale de mon travail.
C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai décidé de témoigner.
En effet, depuis que je n’y exerce plus, je me suis rendu compte que les personnes (patients, soignants et autres) extérieures à la psychiatrie ont une vision complètement biaisée de ce milieu.
Et quand on sait vraiment ce qu’il s’y passe, c’est parfois dur à accepter.
Je vous épargne, pour le moment, les clichés que vous connaissez sans doute, mais j’aimerais parler de mon expérience qui, je l’espère, fera ouvrir les yeux à certains.

 

Un regard d’étudiant…

J’ai dû effectuer mon premier stage en tant qu’étudiant infirmier dans un service d’admissions au sein d’un hôpital psychiatrique en Normandie. C’est vrai qu’avec tout ce que j’avais entendu, j’avais un peu d’appréhension, mais j’étais aussi ravi de découvrir un nouvel environnement.
Je ne connaissais pas du tout et je me demandais vraiment comment cela allait se passer.
Lors de mon arrivée dans ce lieu, mon infirmier référent m’a montré un patient et m’a dit :

« Tu vas voir, lui il ne faut jamais rester seul avec… »

Le décor était planté et j’étais paniqué.
J ‘ai esquivé toute la journée les différents soins qu’ils soient techniques ou non. Je n’avais qu’une envie, c’était de partir. J’avais 18 ans et je ne sais pas pourquoi mais on avait voulu me faire peur. Peut-être que ce n’était qu’une blague mais elle n’était pas de très bon goût. Je pense que c’est un milieu où il faut plutôt mettre les étudiants à l’aise et leur expliquer que le travail y est passionnant.
Heureusement, le deuxième jour, je me suis fait violence et je suis allé vers les patients. Tous sans exception. Il y en a certains avec qui le courant passait très bien, d’autres un peu moins. Exactement comme dans la vie de tous les jours.
Plus les semaines passaient, plus je me sentais à l’aise. Je ne regrette absolument pas d’avoir effectué mon premier stage dans ce service, même si l’équipe ne m’avait pas mis dans les meilleures dispositions. Après tout, je n’étais pas là pour eux. J’étais là pour apprendre et pour être au contact des malades.

C’est à partir de ce moment-là que j’ai parlé d’individu avant de parler de patient.

 

Qu’est-ce que la psychiatrie ?

Bon, je ne vais pas vous faire un cours sur la psychiatrie. Vous en savez sans doute plus que moi.
J’aimerais en parler autrement et vous expliquer de ce que j’ai retenu de mon expérience. Ma vision à moi en quelque sorte.
Au fond qu’est-ce que la psychiatrie ?
J’entends souvent dire qu’on y trouve des fous, des pervers, des pédophiles… Alors oui, il est possible de trouver certains de ces profils. Et encore, il faudrait définir le terme « Folie » qui n’a pas le même sens pour tout le monde.

Est-ce que quelqu’un qui a perdu un être cher et qui sombre dans une forte dépression est fou ? – Je ne crois pas. –
Est-ce que quelqu’un qui a des troubles du comportement alimentaire est fou ? – Je ne pense pas non plus. –
Si je vous dis cela, c’est pour vous montrer que l’on peut trouver des gens qui ont toutes sortes de problèmes en psychiatrie. Un peu comme vous et moi.
Cette spécialité traite la maladie et les problèmes mentaux. Personne n’est d’ailleurs à l’abri d’un coup de moins bien dans sa vie. Il ne faut donc surtout pas exagérer ou minimiser ce que peuvent ressentir les personnes qui s’y trouvent.
Des enfants aux adultes, du maniaco-dépressif au schizophrène… Les pathologies sont très vastes.
Il faut aussi se rendre compte que chaque individu est différent.
Les symptômes ne seront pas forcément similaires pour deux personnes ayant la même maladie.
C’est assez différent de la médecine générale. Par exemple, quelqu’un qui fait un infarctus aura forcément un des symptômes courants comme une douleur dans la poitrine, de l’angoisse ou encore une difficulté à respirer.

En psychiatrie, le diagnostic est plus complexe à poser. Il se base sur l’observation et sur l’écoute. Cela peut prendre jusqu’à plusieurs années parfois. Il est même possible qu’un psychiatre pose un diagnostic et revienne dessus après de nombreuses consultations. Parfois deux médecins ne sont pas d’accord entre eux.

Du coup, les personnes atteintes de ces pathologies sont parfois perdues; ne sachant pas ce qu’elles ont exactement. Cela est une souffrance supplémentaire et le regard des autres est parfois difficile à assumer.
Pourtant, on ne juge pas quelqu’un qui a des problèmes de cœur et qui mange mal, qui fume et qui boit beaucoup d’alcool. Alors on ne devrait pas juger une personne atteinte de troubles mentaux.

Annonce

 

L’individu avant tout…

Comme je vous le disais, je pense qu’en psychiatrie, il faut mettre l’individu avant le patient.
C’est ce que j’adore et c’est ce qui me fera retravailler dans cette voie dans le futur.
Je n’aime pas trop les CHU où le soin relationnel n’est pas considéré comme un soin. Malheureusement c’est un endroit où le temps manque et où il est impossible (ou presque) de discuter et d’échanger.
Si je suis devenu infirmier, c’est pour le côté humain de ce métier. Il n’y a qu’en psychiatrie que j’ai pu le trouver.
Alors oui, parfois, le discours n’est pas cohérent. Parfois, on passe du coq à l’âne sans raison. Parfois, la discussion s’arrête sans prévenir à cause d’une crise d’angoisse et les émotions sont parfois très fortes sans raison apparente.
Mais est-ce vraiment le plus important ?
Non car le plus important est le fait d’aller vers l’autre et d’essayer de l’apaiser. Ce n’est pas toujours simple, c’est même souvent très compliqué, mais on se sent vraiment utile quand on y arrive.
Je le répète, c’est comme dans la vie de tous les jours à un degré plus important.

Lorsque vous êtes face à un ami qui n’est pas bien, la principale chose à faire est de lui parler et d’essayer de le comprendre.

Depuis que je ne travaille plus en psychiatrie…

Si je vous écris, c’est surtout pour pousser un coup de gueule.
Depuis que je ne bosse plus en psychiatrie, les gens me font part de leur ressentiment sans aucun complexe.
Voici un petit résumé de ce que l’on a pu me dire :

  • Tu dois être soulagé de ne plus travailler en psychiatrie .
  • Maintenant, tu es vraiment infirmier .
  • Les soignants qui bossent en psychiatrie sont plus fous que les patients .
  • Ça doit te changer, tu dois vraiment bosser .

Franchement, le pire c’est que je retrouve ce discours chez beaucoup de mes amis soignants. Au début j’en rigolais, pensant que c’était simplement pour m’embêter. Maintenant, je vois que certains sont vraiment sérieux.
Honnêtement, si j’ai travaillé en psychiatrie, c’est par choix et non par défaut. Les gens ont vraiment du mal à le croire. Surtout que quand j’ai été diplômé, la pénurie d’infirmiers était telle que j’aurai pratiquement pu travailler où je le souhaitais.
Il est en de même pour ceux qui pensent qu’en psychiatrie, on ne fait rien. Alors oui, il y a moins de soins techniques. On ne pose pas des perfusions tous les jours et on ne se sert pas du défibrillateur, mais cela ne veut pas dire que l’on ne soigne pas.
Il ne faut pas oublier que :

  • Gérer une personne agitée est un soin .
  • La médiation thérapeutique est un soin .
  • La distribution des médicaments est un soin .
  • L’entretien infirmier est un soin .
  • C’est une autre façon de soigner et c’est celle que je préfère.

Le métier d’infirmier ne se résume pas simplement aux piqûres et on a trop souvent tendance à l’oublier.

 

Pour conclure…

Je ne sais pas ce que vous avez pensé de ce sujet mais j’aimerais beaucoup avoir vos retours.
Que vous soyez soignant, patient ou même tout simplement curieux, j’adorerais pouvoir échanger avec vous sur ce que vous pensez de la psychiatrie et des prises en charge que l’on peut y faire.
J’ai été dans 3 services différents.
Comme je vous l’ai expliqué, je n’ai pas du tout aimé le premier qui ne correspondait pas à ma vision des choses. Les médecins étaient un peu des cowboys et les soignants étaient très distants.
Par contre, j’ai adoré les autres endroits où je suis passé. L’individu était vraiment considéré.
Cela était d’autant plus vrai en addictologie. Le personnel ne jugeait jamais et cela m’a vraiment conforté sur l’idée que je me faisais d’une prise en charge.
Pour finir, on a souvent l’habitude de dire que les patients psychiatriques sont les plus durs, mais on se trompe.
Il n’y a rien de mieux pour un soignant que de pouvoir échanger librement sans que ça ne lui soit reproché.

À bientôt.

 

Vue de la psychiatrie
La vision de la psychiatrie
Annonce
Annonce
Annonce
  • Bonsoir,
    Merci pour votre témoignage. Il est bien écrit, et révélateur du monde infirmier que nous avons côtoyé… Il prouve également l’attachement que vous avez dans votre métier, à tel point que vous envisagez de retourner travailler en psychiatrie.
    Nous, les patients, avons connu la psychiatrie, et les hospitalisations pour certains (j’en fais partie). Le regard que nous portons est personnel, bien entendu. Nous attendons toujours une écoute des soignants, et surtout un grand respect. Ce n’est pas de notre faute si nous sommes tombés dans la marmite… Mais, nous voulons nous en sortir, et nous avons besoin de l’aide des soignants.
    Les CHU ne répondent pas toujours à nos attentes (trop de monde…). J’ai eu la chance de séjourner en clinique. Malgré la douleur éprouvée à chaque fois, les infirmiers, certains médecins, et le personnel en général étaient à l’écoute. Je pense que cela progresse dans ce domaine.
    Vous avez effectué votre premier stage en psychiatrie. Vos formateurs vous testaient, peut-être. Ma fille, infirmière aussi, avait fait son premier stage en gériatrie. Certains ont quitté leurs études. Était-ce si dur ?
    Merci pour votre approche. Continuez ainsi. Les patients ont besoin de vous.

  • Merci Alexandre.
    Merci pour votre dévouement.
    Merci pour votre engagement.
    Merci pour votre bienveillance.
    Merci d’être présent pour nous soigner.
    Merci, car sans vous et l’ensemble des infirmiers et docteurs, que serions nous ?
    Des prisonniers de notre souffrance enfermés à vie.
    Merci.

  • J’ai lu.

    Tout simplement Merci !

    J’ai été hospitalisée une fois à Liège en Belgique. J’en garde un souvenir inoubliable. J’y suis allée pour faire des tests (injection de cortisol et autre) Empathie des infirmiers/ères, professeur à l’écoute. Pour la première fois de ma vie, je me suis laissée aller, me suis reposée.On était à mon écoute, on s’occupait de moi sans me juger.

    J’avais demandé si je pouvais peindre et ils m’ont accordé cette demande. J’ai installé mon matériel dans un salon et ai peint.

    J’y suis restée 9 jours et le retour à la réalité fut désagréable. C’est suite à cette hospitalisation que j’ai commencé à voir ma psychiatre.

    Le début de ma vraie vie.

    MERCI !

    • Bonjour Alexandre.
      Merci pour vôtre témoignage et vôtre empathie envers les malades qu’il révèle. J’ai rencontré et rencontre aujourd’hui encore en hôpital de jour des infirmiers et aide-soignants formidables ! J’ai aussi connu des soignants nocifs dont on se demande ce qui’ils font dans ce métier …
      Encore bravo à vous.
      Une bipolaire qui se soigne et qui est aujourd’hui heureuse après avoir connu le pire

  • C’est bien de parler de certains endroits psy inhumains. Ces hôpitaux transit oú les urgences nous ont envoyés suite à TS quasi réussie. On attend qu’une place en clinique se libère. Les pathologies sont mélangées et des cas abandonnés par les familles restent là…parfois à vie..et sont traumatisants pour de « simples bipolaires », des dépressif ou anorexique. J’ai vu dans ce service la misère du monde. « Voyage au bout de la nuit » que je n’oublierai pas. MERCI de nous rappeler que pour certains dentre vous, nous ne sommes pas que des gobelets d’eau à remplir avec médoc à prendre. Un infirmier m’a agressé croyant que je cherchais à mechapper. J’ai eu mal au bras longtemps. On m’a conseillé de porter plainte mais j’avais d’autres chats à fouetter. C EST BIEN QU UN INFIRMIER TEMOIGNE PARCEQUE CE NE SONT PAS LES MEDECINS QUI NOUS SOUTIENNENT AU QUOTIDIEN MAIS LES INFIRMIERS ET INFIRMIÈRES!!. heureusement en clinique j’ai connu des hospitalisations bien plus sereines mais BRAVO d’en avoir parlé… On est pas chez les Bisounours…! Merci infiniment de votre témoignage. Cette peur cultivée par le cinéma ne doit plus exister !! Ce sont les malades qui sont victimes de la société PAS L’INVERSE. MERCI ? ENCORE

  • Très joli texte et oui j’ai trouver des infirmiers pour parler quand mon fils à été hospitalisé oui pas besoin de prise de sang ou autre mais c’est personne on besoin de parler la famille aussi moi infirmier ou infirmière mon beaucoup aider coter moral aussi les médecin parle pas beaucoup alors oui vous faite un beau métier et vous en remercie

  • Je trouve tous ces commentaires de gens qui ont
    partager leurs opinions ou leurs propre expérience ayant eu aussi cette maladie étant BI -POLARE une source d’encouragement quand je lis tous ces beaux messages de tous et chacun , étant BI- POLAIRE moi même depuis plus de vingt ans , j’ai eu moi aussi ma part des hauts et des bas que cette maladie ma apporter comme symptômes mais surtout comme comportement dans la société et dans la vie de tous les jours du haut dans le ciel parmis les anges un jour et le lendemain dans un enfer qui semblais ne plus finir de jour en jour. Cette maladie ma apporter tellement de misère et de chagrin que seul Dieu voyait au loings . Chaque jour
    au lever ces un combats continuel que l’ont l’ont dois gagner .

    Je vous souhaite à tous de persévérer car il reste toujours la foi et la croyance sur laquelle ont dois faire confience.

    Michel bonne santé.

    • Beau témoignage! UN GRAND MERCI A TOUS LES SOIGNANTS PLEINS D’HUMANITE ! Après 2 hospitalisations en chs je pense pouvoir dire que votre métier est loin d’être simple. Perso j’ai pu éprouver une colère que je ne me connaissais pas vis à vis des médecins qui nous faisaient attendre. Avec à chaque fois l’incertitude d’être reçu, écouté ou d’obtenir une permission. Heureusement de belles rencontres ressources sont aussi possible. Je me souviens d’avoir eu de beaux échanges avec une musico-thérapeute. Difficile pour vous j’imagine d’avoir peut être moins de remerciements que dans d’autres services, enfin c’est ce que je m’imagine. En tous cas un grand Bravo et encore un Grand Merci !

  • Merci Alexandre.
    Il est parfois bon de se redire pourquoi nous avons choisi la psychiatrie.
    J’ajouterai juste un petit bémol.
    Il existe une autre catégorie professionnelle exerçant en psychiatrie :ce sont les aides soignante (dont je fais partie?)
    Dans le secteur où je travaille à il n’y a pas de cloisonnement.
    Bien entendu nous ne pratiquons pas de soin infirmier.
    Mais nous sommes actives dans la prise en charge des patients :sorties et ateliers thérapeutiques, entretiens…
    Cette vision des soins permet au patient de trouver l’interlocuteur qui lui convient..
    Le reste de la gestion du service consiste en un joyeux bazar du « qui fait quoi » ?
    Je suis soignante et bipolaire, je porte un double regard sur la psychiatrie.
    Sur le dynamisme des collègues sur lesquels on peut s’appuyer pour préparer des projets de sortie
    Sur l’expérience et la connaissance théorique de nos anciens les « psynosaures »
    Je regrette souvent le recul de la thérapie institutionnelle au profit de la reponse:un symptôme =un médoc.
    En espérant que cela ne soit que provisoire.
    Non les patients psychiatriques ne sont pas les plus durs. Dans leur grande majorité, ils sont doux et viennent spontanément nous dire bonjour ou filer un coup de main pour vider le lave vaisselle ou préparer une vinaigrette, à nous d’être attentifs dans ces moments la à ce qu’ils nous disent….
    En bref, nous faisons un métier formidable et pour rien au monde je ne voudrais en changer.

  • Bonjour merci pour votre témoignage
    je suis actuellement en 3 eme année infirmière
    et mon sujet de mémoire porte sur les représentations du patient psychiatrique en soins somatiques en particulier les urgences