Voici le 7ème et dernier témoignage sur le trouble bipolaire de notre semaine spéciale bipotes . C’est anonymement qu’une personne a voulu nous faire pat de son histoire « à chaud » car elle vient tout juste d’être diagnostiquée bipolaire … Comment était sa vie sans le diagnostic ? Comment sera-t-elle dans 10 ans ? Beaucoup de questions qu’elle aborde au fur et à mesure, avec beaucoup de prises de conscience sur ce qu’occasionnent ses troubles bipolaires sur sa vie; même avant le diagnostic …
Impressions à chaud d’une personne nouvellement diagnostiquée bipolaire
J’ai 30 et j’ai été diagnostiquée bipolaire il y a à peine un mois. Je remercie mon médecin traitant. Sans lui, mes hauts auraient été de plus en plus explosifs et mes bas de plus en plus sombres.
Après plusieurs mois sous antidépresseurs, je décide de le recontacter en urgence : je me sens sombrer malgré les médicaments. Il me reçoit, me pose des questions et détecte une phase pas tout à fait normale survenue pendant le traitement : plus d’un mois pendant lequel je me sentais bien. Trop bien. Je parlais à tout le monde, j’étais à l’aise. J’avais 100 idées à la minute. Je voulais faire un prêt pour monter une entreprise. J’ai dépensé de jolies sommes dans des choses inutiles, mais que je voulais tout de suite. Je dormais moins et j’étais en super forme. C’était pour moi un moment de vrai bonheur et j’étais convaincue à ce moment-là que j’avais vaincu la dépression et que je resterai dans cet état de joie qui irradiait par chaque pore de mon être. Et puis tout à dégringolé.
Mon médecin m’a fait arrêter les antidépresseurs et m’a envoyée en urgence chez un psychiatre. Il a confirmé le diagnostic au premier rendez-vous : « vous êtes bipolaire ».
Le verdict est donc tombé. Pathologie psychiatrique. J’avoue être comme tout le monde et avoir les mêmes clichés et les mêmes idées reçues :
Fous, danger, peur, hôpital psychiatrique, délire, asile, camisole…
Tous ces mots remontent en moi et je suis à deux doigts de pleurer. Je ne peux pas faire partie des malades mentaux. Je suis normale, juste un peu dépressive.
À qui vais-je dire que je suis bipolaire ?
- Joyeuse
- Attentive aux autres
- Souriante
- Réservée
- Riant pour tout
- Mesurée
- Réfléchie
- Compatissante
- Posée
- Sereine
Voilà quelques mots utilisés par ma famille et mes amis pour me décrire.
J’ai tellement toujours caché mes côtés sombres qu’ils ne connaissent pas ces mots qui sont l’autre partie de moi :
- Dure
- Fermée
- Colérique
- Rongée
- Mutique
- Épuisée
- Anxieuse
- Suicidaire
Je décide de le dire à mes meilleures amies. On a tout traversé ensemble depuis des années. J’ai la chance que malgré le diagnostic elles restent près de moi, me soutiennent et m’encouragent. Ma famille ne comprend pas et minimise la maladie : « ce n’est rien, juste une petite déprime ». À mon travail, je n’en parle pas : j’ai trop peur du regard des autres et de ce qu’ils pourront penser de moi.
Comment travailler avec un trouble bipolaire ?
Le travail justement, parlons-en. C’est une épreuve. J’ai fait des études supérieures et j’ai un Master en droit. Malgré cela, je n’ai jamais eu de poste à la hauteur de mon diplôme. J’ai énormément de mal à rester toute la journée derrière un bureau. Les horaires de bureau me fatiguent. Je veux des responsabilités, des missions intéressantes, monter des projets et un titre prestigieux, mais…. je ne supporte ni le stress, ni la pression, ni les dépassements d’horaires, ni les contraintes.
Je m’ennuie facilement et j’ai toujours envie de changer de poste.
Malgré cela, je travaille bien, peut-être trop bien et je ne me ménage pas. Ça m’a d’ailleurs déjà valu plusieurs mois d’arrêts de travail il y a quelques années : je ne supportais pas la pression et les heures supplémentaires et mon corps a lâché du jour au lendemain. Avec le recul, je me rends compte que j’ai toujours dit que je n’arriverais pas à avoir une activité classique, quitte à passer pour une feignante. À croire que j’avais déjà repéré certains signes et que quelque chose était différent chez moi.
Dois-je gérer différemment mes symptômes bipolaires ?
J’avais repéré aussi les colères violentes, la fatigue tenace, les idées noires. La peur d’exploser et la peur de me noyer. Je réussis malgré tout depuis des années à donner le change : un intérieur sombre et froid, une apparence lumineuse et douce, pour que personne ne voit rien de ce qui me ronge lentement.
Aujourd’hui, je suis les conseils du psychiatre : je suis un nouveau traitement à base d’antipsychotique pour les troubles bipolaires, je rencontre une association de bipolaires. Je vais commencer la psycho-éducation. Mais comme pour le reste, cela fait des années que je compte déjà mes heures de sommeil, que je sais quelles activités me conviennent ou pas, que j’évite certaines situations stressantes. Encore une fois, à croire que j’avais déjà pressenti ce qui convenait à mon corps et mon cerveau. Pour l’instant, je fais ce que je dois faire, en espérant être stabilisée. J’ai l’espoir de pouvoir vivre normalement, même si pour le moment, j’ai conscience de ne pas encore avoir réalisé et accepté la maladie et ses conséquences.
Je ne sais pas où je serai à 35 ans ou à 40 ans. En vie serait déjà bien. En vie et heureuse serait parfait.
M.

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