Bonjour Chienbrun,

Tu viens d'arriver chez les "fous" ? Bienvenue ! Non, allez, je rigole! Humour d'handicapée... J'aime bien jouer de l'image que l'on nous prête et j'aime ma part de folie. Et puis, qu'on se le dise Le fou c'est celui qui a tout perdu sauf la raison (Gilbert Keith Chesterton)

J'ai moi aussi une famille et je pense comprendre ce que tu écris. La différence c'est que je ne descends pas seulement en apnée pour remonter leur "déposer un sourire", je les emmène souvent avec moi. Ça me culpabilise beaucoup. Je sais tout le bien que mon fils et mon conjoint m'apportent, mais à l'inverse, j'ignore quelle est ma contribution à leur relatif bonheur. Nous marchons tous sur un fils. Le quotidien demande un aménagement permanent et conséquent. J'imagine que tu connais...

Je ne serai jamais qu'une mère bancale, incomplète et ça me fait souffrir. Quant à la compagne que je suis... Le couple morfle, c'est évident. J'ai tellement peur que mon fils de huit ans ait de graves séquelles psychologiques plus tard, à cause de moi. Il se construit dans le chaos, très souvent, avec une mère absente. Depuis toujours, il est familier des visites en cliniques psychiatriques, me voit me traîner comme une loque, mais pas que, heureusement. Il sait entrevoir la lumière diffuse chez moi, ma force d'entreprendre, ma relative impulsion de vie. On dit que ce genre d'enfants aux parents atypiques développent une maturité et une sensibilité particulières avec une grande résilience, j'espère. Mon enfant est très emphatique, il sait quand je vais mal. Il perçoit ma différence depuis bébé, j'imagine. Il a officiellement intégré mon handicap depuis un an environ. Je lui explique beaucoup de choses sans entrer dans les détails. Je préfère cela aux non-dits et aux secrets. Quel âge a le tien ? Mon conjoint me montre aussi un soutien inconditionnel depuis 15 ans, il encaisse pas mal mais il s'en sort malgré tout, cela dépend des caractères. Comment le vit ta femme?

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Au final, la vie n'est pas toujours si moche, elle reste quand même une garce.

Ma bipolarité très complexe et non stabilisée s'est beaucoup dégradée depuis 2015, puis ça a été le plongeon infernal depuis un an et demi. Depuis 10 jours, je prends conscience des conséquences irréparables d'une thérapie innommable, je vis un cauchemar éveillé. Je ne veux pas me répéter sur mon parcours (voir sur le forum, mon récit "Dommages irréversibles d'une sismothérapie ratée")

J'ai beaucoup aimé ton image de "coeur hémophile", je suis une amoureuse des mots. La preuve, je suis en train de déborder de la limite que je m'étais imposée. Je ne sais pas faire court. Quand j'ai lu ton message, j'ai tout de suite pensé à cette citation de Stefan Sweig que tu connais déjà, peut-être :

Mais toute ombre, en dernier lieu, est pourtant aussi fille de la lumière et seul celui qui a connu la clarté et les ténèbres, la guerre et la paix, la grandeur et la décadence, a vraiment vécu.

Ne te cache pas trop longtemps dans les bois...

Bien à toi

Nayani

Bonsoir Nayani,

J'ai changé de compte je n'arrive déjà plus à me connecter à celui-ci du coup j'ai changé de pseudo.

Ta culpabilité fait écho à la mienne. Je doute de plus en plus de la légitimité de leurs imposer ma présence.
Mon fils à 4 ans et est très éveillé. Nous lui avons beaucoup parlé de ma bipolarité et je continue à le faire fréquemment pour ne pas qu'il pense que quoi que ce soit puisse être de sa faute.
Ma compagne m'a épaulé pendant plus de 10 ans mais je la sens s'essouffler. Elle aspire à plus de joie,plus de gaité. Quoi de plus naturel. Je ne peux rien lui offrir de tous ça pour le moment.
Contrairement à toi je n'aime pas trop ma folie. J'aurais souhaité qu'elle soit accompagnée d'un peu de génie, pour les mots notamment. Il semblerait que j'ai passé mon tour. J'ai bien eu quelques fulgurances par le passé mais pas de quoi me satisfaire. J'ai juste, comme beaucoup ici, le coté chiant du machin et rien d'autre. Une sensibilité profonde inexprimable. Un poète de l'intérieur.
Depuis deux ans c'est la chute libre. Quelques jours de répits par ci par là.

Demain promis je serai un guerrier.

Bien à toi.
Ps: C'est un plaisir de te lire.

Couché à 2 heures. Réveillé à 8 heures par mon petit chou. 

Les médicaments et le manque de sommeil alourdissent mon crane bien sur, mais je me sens plutôt bien ce matin. Étant un éternel optimiste, c'est pourquoi je suis toujours debout d'ailleurs, je suis assez con pour  croire que ça ira mieux, que peut être mon traitement est devenu efficace dans la nuit.

Ne pas entrer en réflexion, ne laisse pas ton cerveau tout faire foirer. Tu es bien aujourd'hui, pour l'instant. Profite.

C'est un autre partie de moi, plus légère. Fugace, mais bien réelle. Au fond je sais que c'est illusoire, que dans une semaine je vois mon psychiatre et vais le supplier de me trouver un nouveau traitement, qu'il en va de ma vie, de celle de ma famille, blablabla.

Mon petit chou vient se caler sur moi pour un câlin pendant que j'écris. Putain que je suis bien.

prends le bon quitte à vivre au jour le jour 

bonne année

Good morning Sunshine! 🌞

Merci pour ton partage, il faut le dire, aussi, quand ça va bien ou mieux. Tout peut arriver en une nuit, l’efficacité d’un traitement, le reste, le meilleur, pourquoi pas ? La tentation de l’anticipation anxieuse est irrépressible et je partage ton sentiment de vivre toujours en sursis, avec une épée de Damoclès au dessus de la tête. Quand j’allais vraiment très mal l’année dernière, les petites éclaircies étaient bénies et j’étais prise d’une frénésie d’actions en prévision du jour où ce serait de nouveau la fin du monde. Mais quand des moments de plénitude s’offrent aujourdy’hui comme des instants de grâce, il faut vivre l’instant sans penser à ce « c’est juste pour l’instant, et après? » Il n’y a rien d’illusoire dans ce « je suis bien » même éphère que tu vis. Il existe au moment où tu le vis, et c’est ça qui compte. De petits instants, mais de qualité. Un instant pour l’éternité.

La fin de ton calvaire viendra bientôt. Qu’est-ce que le bonheur? Moi, je ne suis pas très exigeante, c’est d’abord l’absence de souffrance. J’ai revu humblement mes ambitions. Je veux juste être bien, ne pas avoir mal. Et puis, le bien-être, dans certaines philosophies, est la quête d’une vie. C’est donc un beau projet.  Le monde entier, peut-être, vit dans l’illusion du bonheur, d’une certaine façon. L’état de mieux-être est souvent relatif pour nous, malades, mais il peut être pérenne, petits bouts par petits bouts, il faut y croire, même après des années de galère. On ne se ment pas toutefois, on sait que ces cycles reviendront. Mais quand ça va, yes! It’s fucking good! 

Ne supplie pas ton psychiatre, enfin, fais ce que tu veux bien sûr. Même dans le plus noir du désespoir, je crois qu’il faut tenter de conserver cet infime part de dignité que la maladie a déjà bien grignotée. Mes psychiatres sont tous impuissants, mous, j’ai dû faire 10 000 km et venir à Paris pour chercher de l’aide. Légèrement mieux après avoir viré un AD, certes remplacé par un médicament lourd, mais son rôle était contesté. Voir peut-être d’autres docteurs quand tout semble perdu, mais j’imagine que tu l’as déjà fait. As-tu tenté la rtms? Ça m’a apporté un répit. 

Meilleure santé à toi pour 2019. Profite bien de cette journée en famille. Je réponds à ton dernier message prochainement. 

À bientôt !

Nayani

« Qu’elle que soit la durée de la nuit, le soleil finit toujours par se lever » (proverbe africain) 

Bonjour, 

Juste pour vous dire qu'il ne faut pas rajouter la culpabilité à votre mal-être. Votre entourage sait que vous faites ce que vous pouvez pour les rendre heureux. Ils faut qu'ils apprennent (comme j'essaie de le faire) à trouver des occupations gratifiantes pour compenser cette trop grande frustration qui parfois nous envahit de ne pas pouvoir partager certaines choses avec l'être aimé.

Aspirer à plus de joie, plus de gaité ? Oui, surement, mais en aurions-nous plus sans vous ? Contrairement à vous et votre maladie, on a le choix de changer de vie. Alors si on reste, c'est que le bonheur des moments partagés et l'amour avec un grand A restent la priorité  🙂 

Merci Nath 

Tu réponds bien à tout ce mal être.

Bonne journée à toi

Merci Nath,

Je me permets de faire suite à ton post même si je ne suis pas conjointe de malade, mais malade. Prise de doutes, toujours sujette à ce « Qui voudrait d’une femme comme moi ? » j’ai encore posé la question à mon conjoint ce matin. Il m’a tenu la même réponse que toi 🌞. Et puis, le fait aussi, qu’il ne serait pas forcément heureux autrement. Nous vivons tout de même des moments en famille harmonieux et heureux. Mon conjoint ne voit pas assez d’amis à mon sens, n’en parle à personne, n’a pas de loisirs, il est très discret. Mais il se réalise pleinement dans sa vie professionnelle très valorisante puisqu’il aime son métier d’humanitaire. Il a aussi une famille très présente... ça aide, mais c’est compliqué avec la mienne.

Merci encore.

Nayani

Merci à tous de vos réponses!

j'avais écrit un grand texte pour vous répondre et par une mauvaise manip', je suis très maladroit, j'ai tout effacé. Je n'ai pas le courage  de tout réécrire.

En résumé:

Nayani,

Je suis épaté des réflexions que tu portes sur ta vie, ta bipolarité, ici et sur les autres posts. Le recul avec lequel tu en parles. Tu sembles assumer la maladie. Ce qui me montre que moi non.

Tes écrits me font du bien. Ils me laissent entrevoir la possibilité d'une vie  ou je vivrais plus en phase avec mes singularités. (Je ne veux pas dire par là que ta vie est facile, loin de là). Continu d'écrire sur ce site, je continuerai de te lire.

Nath,

Merci de ses gentils mots. Je sais que ma culpabilité ajoute à mon mal. Mais malheureusement ma compagne est a bout de souffle et la maladie à commencé à ronger l'amour qu'elle me porte. Des moments heureux nous n'en n'avons plus beaucoup. Il ne s'agit ici pas d'une plainte mais bien de la froide réalité.

Heureuse année à toutes et à tous.